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Affaire Vincent Lambert : 8 questions sur les « directives anticipées » - Le Monde

L’affaire Vincent Lambert relance de nombreuses questions sur la fin de vie et le rôle des proches. La femme et plusieurs frères et sœurs de ce patient en état végétatif depuis 2008 réclament l’arrêt des soins, tandis qu’une autre partie de sa famille, dont ses parents, se bat pour le maintenir en vie. Qu’aurait-il voulu ? Difficile de le dire avec certitude, puisqu’il n’avait pas rédigé de « directives anticipées ». Cette option, inscrite dans la loi Leonetti depuis 2005, mais aussi dans la loi Claeys-Leonetti de 2016, reste méconnue. De quoi parle-t-on précisément ? Explications.

  • En quoi consistent les directives anticipées ?

Votée en 2005, la loi Leonetti instaure ces directives anticipées, autrement dit des consignes pour « faire connaître vos souhaits sur votre fin de vie » si vous n’êtes plus en mesure de les exprimer. Cela permet de :

- limiter ou arrêter les traitements en cours ;

- être transféré en réanimation si l’état de santé le requiert ;

- être mis sous respiration artificielle ;

- subir une intervention chirurgicale ;

- être soulagé de ses souffrances même si cela a pour effet de mener au décès.

  • Qui peut écrire des directives anticipées ?

Toute personne majeure peut rédiger ses directives anticipées, quelle que soit sa situation : en bonne santé, malade ou handicapée. Dans le cas où la personne n’est pas capable d’écrire, elle doit faire écrire ses directives devant deux témoins. L’autorisation d’un juge ou du conseil de famille est nécessaire pour les personnes sous tutelle.

Ce n’est en aucun cas une obligation. Selon le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), seuls 13 % des Français ont formulé par écrit leurs volontés sur la fin de vie –un chiffre stable depuis trois ans. La démarche peut être réalisée seul ou en discutant avec ses proches. Il est conseillé d’en parler à son médecin.

  • Concrètement, comment s’y prendre ?

Ces directives n’ont pas de format imposé. Il peut s’agir d’un document rédigé sur papier libre, mais il doit obligatoirement comprendre l’identification de la personne (nom, prénom, date et lieu de naissance), et doit être daté et signé.

Les autorités sanitaires ont mis à disposition des modèles, l’un pour les personnes en fin de vie, ou atteint d’une grave maladie ou d’un handicap, et l’autre pour les personnes en bonne santé.

Une fois rédigées, ces directives anticipées doivent être remises à votre médecin, à l’hôpital ou au centre médico-social dans lequel vous vous trouvez. L’autre possibilité est de la conserver dans votre dossier médical partagé (DMP), que l’on peut ouvrir en ligne : dans l’onglet « mes informations », vous pouvez remplir la section « volontés et droits ».

  • Que doit-on y écrire ?

Le contenu est libre et ne se limite pas à cocher des cases. Comme l’explique la Haute Autorité de santé dans un document explicatif, il s’agit d’exprimer « ce que vous redoutez plus que tout (par exemple : douleur, angoisse…), les traitements et techniques médicales que vous ne souhaiteriez pas (sonde d’alimentation, aide respiratoire…), vos attentes concernant l’aide de soins palliatifs (traitements des douleurs physiques, de la souffrance morale…), mais également les conditions dont vous espérez pouvoir bénéficier au moment de la fin de votre vie ».

Les personnes qui souffrent déjà d’une pathologie spécifique peuvent formuler des demandes précises sur des traitements dont ils ont discuté avec l’équipe médicale.

  • Les médecins sont-ils obligés de se conformer aux directives ?

Les directives ne sont utilisées que si le patient n’est plus capable d’exprimer sa volonté. Dans ce cas, le médecin a l’obligation de rechercher rapidement ce document, s’il existe, et il est alors tenu de respecter les demandes formulées. Mais il existe deux exceptions :

  • en cas d’urgence vitale, où les professionnels peuvent être amenés à réanimer un patient à la suite d’un accident, le temps d’évaluer sa situation ;
  • si les directives anticipées sont « manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale » (article 8 de la loi du 2 février 2016). La décision est alors prise par une procédure collégiale, avec le médecin, l’équipe soignante ou un confrère, la personne de confiance désignée par le patient, ou à défaut les proches.

Le caractère « non conforme » ou « inapproprié » des directives anticipées n’a pas encore donné lieu à une jurisprudence, explique le professeur Jean-Paul Markus, du collectif des Surligneurs. Il précise toutefois qu’« on peut imaginer qu’elles ne s’appliquent pas parce que la personne n’est pas en situation de fin de vie, ou parce qu’elles sont très anciennes ou rédigées dans une période de trouble mental ». Dans les travaux préparatoires à la loi de 2016, le député Jean Leonetti donnait l’exemple d’un patient qui aurait formulé des directives très jeune et qui tomberait malade à 80 ans. Il refusait en revanche que cette exception puisse être utilisée comme une clause de conscience par le médecin.

  • Que se passe-t-il si on change d’avis ?

Dans la loi de 2005, les directives anticipées n’étaient valables que si elles étaient « établies au moins trois ans avant l’état d’inconscience de la personne ». Le texte actuel ne fixe pas de limite de temps, hormis des situations extrêmes citées ci-dessus. En revanche, elles sont « révocables à tout moment » par la personne concernée.

Que vos directives anticipées soient conservées chez votre médecin traitant, à l’hôpital ou dans le centre médico-social dans lequel vous vous trouvez, il suffit de vous adresser à cette structure pour les modifier. Si vos directives sont enregistrées dans votre dossier médical partagé, elles peuvent être modifiées en ligne. Il est donc important de dater et signer le document, afin de pouvoir retrouver facilement la dernière version.

  • Si on ne peut pas s’exprimer, qui prendra des décisions ?

Selon la loi, « toute personne majeure peut désigner une personne de confiance », qui n’est pas nécessairement un membre de la famille. Il peut s’agir d’un ami ou d’un médecin. Cette personne peut vous accompagner lors de rendez-vous médicaux ou de consultations. Selon la loi, elle peut avoir accès à votre dossier médical mais uniquement en votre présence.

En revanche, si vous ne pouvez plus exprimer votre volonté, cette personne devient le référent auprès de l’équipe médicale, une sorte de porte-parole qui va exprimer vos souhaits, convictions et volontés mais qui ne prendra pas de décision sur la prise des traitements par exemple. Celle-ci revient aux médecins et à l’équipe soignante.

La désignation de cette personne peut être réalisée sur votre dossier médical partagé si vous en avez ouvert un, ou par écrit, sous la forme d’une lettre avec une date, en précisant les noms, prénoms, coordonnées de votre personne de confiance, et cosignée par cette personne. Si vous choisissez cette option, il faut ensuite faire parvenir ce document à votre médecin, ou à l’équipe soignante du centre hospitalier ou médico-social où vous vous trouvez.

  • Que se passe-t-il en l’absence de directives anticipées ou de personne de confiance ?

Dans tous les cas, les soignants prodiguent tous les soins et traitements de confort pour prendre en charge la douleur et assurer une fin de vie sans souffrance. La loi impose toutefois aux médecins de ne pas commencer ou poursuivre des traitements inutiles ou disproportionnés ayant pour seule fin le maintien artificiel de la vie (« obstination déraisonnable »).

Selon l’article L1111-12 du code de la santé publique, si un patient est « hors d’état d’exprimer sa volonté », le médecin doit chercher à savoir quelle a été la volonté exprimée par le patient. En l’absence de directives anticipées ou de personne de confiance, ce sont « la famille ou des proches » qui sont consultés. Aucune hiérarchie n’est établie a priori entre eux, contrairement à ce que prévoit la loi belge du 22 août 2002 qui établit un ordre successif : en premier lieu, le conjoint cohabitant, puis les enfants majeurs, enfin les parents, frères et sœurs majeurs. En France, « dans le cadre de la procédure collégiale, le médecin prend en compte les témoignages les plus probants, en sentant qui est le plus proche parmi les proches », explique M. Markus. Une situation complexe, comme le montre l’affaire Lambert.

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https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/05/22/fin-de-vie-les-directives-anticipees-en-huit-questions_5465448_4355770.html

2019-05-22 08:34:24Z
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